Devoir de Philosophie

Alain et la politique

Publié le 10/01/2004

Extrait du document

alain
Voter, ce n'est pas précisément un des droits de l'homme ; on vivrait très bien sans voter, si l'on avait la sûreté, l'égalité, la liberté. Le vote n'est qu'un moyen de conserver tous ces biens. L'expérience a fait voir cent fois qu'une élite gouvernante, qu'elle gouverne d'après l'hérédité, ou par la science acquise, arrive très vite à priver les citoyens de toute liberté, si le peuple n'exerce pas un pouvoir de contrôle, de blâme et enfin de renvoi. Quand je vote, je n'exerce pas un droit, je défends tous mes droits. Il ne s'agit donc pas de savoir si mon vote est perdu ou non, mais bien de savoir si le résultat cherché est atteint, c'est-à-dire si les pouvoirs sont contrôlés, blâmés et enfin détrônés dès qu'ils méconnaissent les droits des citoyens. On conçoit très bien un système politique, par exemple le plébiscite (1), où chaque citoyen votera une fois librement, sans que ses droits soient pour cela bien gardés. Aussi je ne tiens pas tant à choisir effectivement, et pour ma part, tel ou tel maître, qu'à être assuré que le maître n'est pas le maître, mais seulement le serviteur du peuple. C'est dire que je ne changerai pas mes droits réels pour un droit fictif.

Il s'agit d'évaluer le rôle et la portée du suffrage universel dans une démocratie. Or pour Alain, le droit de vote a surtout une utilité négative : il permet au citoyen, sinon d'orienter la politique gouvernementale, tout au moins de ne pas reconduire une majorité sortante. Ce qui devrait suffire, selon Alain, à garantir le peuple contre d'éventuels abus de pouvoir de l'exécutif.  

alain

« Reste à savoir comment le droit de vote peut aider à assurer la préservation de ces droits et surtout pourquoiil ne peut avoir d'autre utilité. 2 - Un nécessaire pouvoir de contrôleC'est l'objet du second moment du texte, on y voit Alain assumer sans réticence l'idée d'une démocratiereprésentative, dans laquelle les pouvoirs législatifs et exécutifs ne sont pas exercés effectivement par lepeuple, mais confiés par lui à des élus. Autrement dit, Alain souscrit à l'idée d'une distinction (sinon d'une opposition) entre "peuple" et "élite"gouvernante.

Mais à cette réserve près qu'il récuse tout modèle aristocratique fondé sur la naissance ou lacompétence : soit l'Ancien régime d'une part et d'autre part l'actuel "pilotage" technocratique des "sociétéscomplexes" dont les signes annonciateurs commençaient peut-être à poindre sous la troisième Républiqueobservée par Alain. Habituellement considéré comme un pouvoir de choix (que veut dire "élection", sinon ?), le droit de suffrage estréduit par Alain à un pouvoir d'approbation ou de censure de "l'élite gouvernementale" candidate aurenouvellement de son mandat.

Comme s'il pouvait suffire au citoyen de préserver par le vote ses droitsfondamentaux, sans pour autant exercer une influence déterminante sur les orientations de la politiquegouvernementale. 3 - Critique du recours au plébisciteLe dernier moment du texte oppose à la démocratie représentative une pseudo-démocratie plébiscitaire. L'usage bonapartiste du suffrage universel revient en effet à demander au peuple de dire une fois pour toutesamen au grand homme supposé savoir mieux que les sujets ce que est bon pour eux. B - UNE DISCUSSION POSSIBLE DES PROPOS D'ALAIN A LA LUMIERE DE L'HISTOIRE On pourrait cependant être tenté d'opposer à l'argumentation d'Alain la réflexion de Carl Schmitt, à la fin desannées 1920, sur la possibilité d'une pratique plébiscitaire de la démocratie.

L'appel direct au peuple par dessusla tête des partis et des corps intermédiaires, peut être, pour un chef d'Etat démocratiquement élu et soucieuxdes droits de l'homme autant que du salut de l'Etat, un moyen de renforcer sa légitimité. C'est ainsi que la pratique gaullienne du référendum a permis à la cinquième République de triompher d'uncertain nombre d'épreuves politiques et militaires, puis du gaullisme lui-même à l'occasion du référendum de1969 dont chacun connaissait la dimension plébiscitaire. En revanche, Alain a pu observer en 1940, que c'est le vote majoritaire du parlement élu en 1936, et non unplébiscite, qui a placé entre les mains de Pétain les pleins pouvoirs, y compris en matière constitutionnelle.Sans compter que le régime de Vichy s'est soigneusement gardé de recourir à quelque élection que ce soit,fut-ce sous la forme d'un plébiscite. V - QUELQUES REFERENCES POSSIBLES Il pouvait être utile pour comprendre et expliquer ce texte de pouvoir situer ALAIN dans l'histoire (premièremoitié de notre siècle) et de connaître son engagement politique (aux côtés du parti de Daladier et d'EdouardHerriot). On pouvait aussi comparer sa conception de la démocratie à celle de MONTESQUIEU, et l'opposer à celle deROUSSEAU (voir, respectivement, Esprit des lois , livre I, chapitre XIII ; et Contrat Social , livre III, chapitreIV). VI - LES FAUSSES PISTES On ferait un contresens en attribuant à Alain l'idée que le droit de vote n'a d'importance que relative, sousprétexte qu'il n'a d'utilité que négative. VII - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR Le texte est bref et mériterait d'être complété.

Alain est l'auteur de propos sur le pouvoir beaucoup plussubstantiels, combinant plus nettement que ce passage, l'affirmation du devoir d'obéissance et du devoir decontrôle.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles