La IIIe République, un régime, un empire colonial
Publié le 15/10/2022
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COURS 3 :
LA IIIe REPUBLIQUE (1870-1940) : UN REGIME, UN
EMPIRE COLONIAL
NB : ne sera étudiée que la période 1870-1914
La République, instituée par défaut en 1870 dans un contexte politique et militaire difficile,
s'enracine en France dans les années 1880 et 1890.
Les libertés sont instaurées, des valeurs
héritées de la Révolution française se diffusent et une culture républicaine se développe au sein
de la population française.
Des symboles et un paysage républicain s'installent en France.
La République traverse plusieurs crises qui remettent en cause ses valeurs, mais elle les
surmonte et se maintient jusqu'en 1940.
Cependant, elle a ses limites : conservatrice et inégalitaire (malgré ses discours), elle est aussi
une république coloniale, possédant le 2e empire le plus vaste au monde derrière l’empire
colonial britannique.
I-La conquête du pouvoir par les Républicains : les débuts difficiles
de la Troisième République (1870-1879)
A-Une République née de la guerre
En 1870-1871, la France est en guerre contre la Prusse, ce qui aboutit à la chute du Second
Empire et à la formation de l’Allemagne.
Le 02/09/1870, Napoléon III est fait prisonnier par les Prussiens et il doit capituler dans la ville
de Sedan, dans les Ardennes à l’Est de la France.
Une République est proclamée en France le 04/09/1870, mais le régime républicain ne va pas
de soi, car beaucoup de Français restent monarchistes / royalistes ou bonapartistes : il faut 10
ans aux Républicains pour conquérir le pouvoir.
Le 30/01/1875 : la République est définitivement établie.
En octobre 1877, Républicains
remportent la majorité des sièges à la Chambre des députés (ou Assemblée Nationale).
En 1879,
ils remportent la majorité des sièges au Sénat.
Le régime républicain est parlementaire, CAR :
-
1
Le gouvernement est responsable de ses actes devant la Chambre des députés (ou
Assemblée Nationale).
Un président du Conseil (appelé Premier ministre aujourd’hui) dirige le
gouvernement et nomme les ministres avec qui il veut travailler.
La Chambre des députés fait les lois avec le Sénat, mais elle est plus importante que
lui.
Un président de la République dispose de peu de pouvoir pour éviter le retour à un
régime autoritaire (mais il nomme le président du Conseil = appelé Premier ministre
aujourd’hui).
B-La culture républicaine et l’enracinement de la République (1879-1914)
La Troisième République est le 1er régime qui parvient à traduire l’héritage de la Révolution
française dans des institutions stables.
Les Républicains entreprennent d’abord de voter une série de lois reconnaissant les libertés
fondamentales et qui consolident la démocratie libérale, héritière des principes de 1789 (=
égalité civile, libertés fondamentales, souveraineté nationale, suffrage universel).
Les libertés fondamentales instaurées sont et une culture politique se développe également
au sein de la société française.
La Chambre des députés devient l’organe essentiel de la vie
politique, car c’est le lieu du débat contradictoire et de l’élaboration des lois.
Libertés socio-économiques
Droit au divorce
Droit de travailler le dimanche
Libertés politiques
1884 : la loi municipale permet
l'élection au suffrage universel
masculin des conseils municipaux
et des maires, à l'exception de la
ville de Paris.
Concrètement, dans
les communes, l’élection des
maires se fait par le Conseil
municipal.
Auparavant, les maires
étaient nommés par le préfet : ainsi,
nait une vie politique locale : c’est
la « démocratie au village ».
Libertés de la presse
29 juillet 1881 : liberté de la presse
→ multiplication des journaux
(environ 300 journaux pour
2 750 000 tirages)
1884 : loi Waldeck-Rousseau
créant les syndicats.
Pour l’Etat,
elle permet d’organiser les grèves
car les syndicats sont obligés de les
déclarer en préfecture.
1895 : création de la CGT
(Confédération générale du travail)
à Limoges
1901 : liberté d’association
Syndicat : association défendant les intérêts des travailleurs face au patronat.
Les Républicains veulent également développer l'instruction de la population : l’école devient
le « temple de la culture républicaine ».
Ils veulent aussi limiter l'influence de l'Église (= anticléricalisme) qui leur rappelle le passé
monarchique de la France.
En effet, la laïcité et la laïcisation de la société sont un élément essentiel de la culture
républicaine : elle est perçue comme une nécessité car elle est identifiée à la lutte contre le
conservatisme.
Elle concerne d’abord l’école, mais vise aussi l’ensemble de la société :
-
2
Les emblèmes religieux sont retirés des lieux publics.
Le divorce est rétabli en 1884.
La loi sur la séparation de l'Église et de l'État en 1905 : la République ne
finance plus aucun culte, MAIS elle garantit la liberté de religion de tous les
Français.
Pour rendre la République familière aux Français, une culture républicaine se manifeste par
des symboles et voit l'émergence d'un paysage républicain.
•
Les symboles républicains sont issus de la Révolution française :
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•
La Marseillaise devient l'hymne national en 1879.
Le 14 juillet devient la fête nationale en 1880.
Le drapeau bleu − blanc − rouge devient le drapeau national.
Marianne devient l'allégorie de la République grâce à des bustes et
des statues monumentales.
Le Panthéon à Paris, ancienne église du XVIIIe siècle et morgue
pendant la Révolution, est choisi pour abriter les "grands hommes de
la patrie reconnaissante".
Des commémorations et des hommages leur
sont rendus pour entretenir la ferveur des citoyens.
Un paysage républicain se développe en France :
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▪
▪
Dans les villages et villes, sont construites des mairies et des écoles
sur lesquelles est inscrite la devise nationale : "liberté, égalité,
fraternité".
Les casernes se multiplient.
Des statues allégoriques sont édifiées dans les places des villes et des
villages.
Il s'agit de statues de Marianne et de grands personnages de
la France.
C-L’apprentissage de la citoyenneté
L'école est un des plus importants facteurs qui contribuent à développer la culture républicaine
au sein de la société française.
Elle est donc au cœur du projet républicain :
-
Avec les lois scolaires de Jules Ferry (1881−1882) l’enseignement primaire
devient un service public : l'école est désormais laïque, gratuite et obligatoire
pour les filles et les garçons (mais les programmes sont genrés).
-
Des instituteurs sont formés et les programmes sont orientés dans un esprit
républicain.
-
L’instruction religieuse ne fait plus partie des programmes scolaires
Le développement de l'école primaire apporte une progression du niveau culturel des Français
et permet l'émergence de citoyens capables de lire la presse et de participer au débat
démocratique, notamment par le vote.
Elle garantit aussi l’égalité des chances.
Cependant, l’enseignement secondaire, lui, reste payant : il est donc réservé aux enfants des
milieux aisés, les bourses restant peu nombreuses.
Le service militaire incarne lui aussi cet apprentissage de la citoyenneté.
D’une durée de
2 ans par la loi de 1889 (porté à 3 ans en 1913), il mélange tous les jeunes hommes d’une
même classe d’âge, mais de couches sociales différentes et habitant toutes les régions
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françaises ; il contribue à développer le sentiment d'appartenance à la patrie ; il soude la
communauté nationale ; il diffuse le mode de vie urbain.
Aucune exemption n’est possible.
Enfin, le droit de vote est au cœur de la refondation républicaine :
•
Comme il n’existe pas d’isoloir avant 1913, le plus souvent les électeurs sont influencés
par les gens influents du village, voire par le président du bureau de vote qui va jusqu’à
mettre lui-même l’enveloppe dans l’urne.
Il y a donc des fraudes et les projets de
réforme se multiplient pour y mettre un terme.
•
La question qui se pose et fait énormément débat est celle du droit de vote des femmes.
Les grandes lois libérales adoptées par la République concernent peu les femmes.
Le
Code civil les maintient dans un statut juridique de mineures soumises à l’autorité de
leur père puis de leur mari.
Ex : il faut attendre 1907 pour qu’une loi autorise les
femmes mariées à disposer librement de leur salaire.
Les Républicains craignent d’accorder le droit de vote aux femmes car ils les
considèrent sous l’influence de l’Eglise.
Leur vote pourrait ainsi mettre en danger
la laïcité et favoriser le retour au pouvoir de courant cléricaux et/ou monarchistes.
Néanmoins, grâce au soutien d’hommes politiques comme Victor Hugo, les 1ères
militantes féministes s’organisent pour réclamer le droit de vote.
Des associations
comme l’Union française pour le suffrage des femmes (12 000 adhérentes derrière
Cécile Brunschvicg) et des journaux comme La Fronde (entièrement écrit et géré par
des femmes) permettent à ces féministes de développer le suffragisme.
Malgré leur
mobilisation, le rapport parlementaire de Ferdinand Buisson (1909) en leur faveur ne
parvient pas à changer la mentalité dominante.
Suffragisme : lutte pour obtenir le droit de vote pour les femmes.
Les militantes de ce mouvement sont
appelées les suffragettes.
Apparu d’abord en GB, le mouvement se diffuse ensuite dans le monde et
notamment en France.
Entre 1880 et 1914, on compte 112 associations et 44 journaux suffragistes en
France.
II-La République surmonte les crises : les limites du consensus
républicain
Avec la liberté de la presse, les opposants peuvent désormais s’exprimer, parfois violemment,
contre le gouvernement.
Tout en s’inscrivant dans le jeu de la démocratie, ces contestations
ébranlent parfois le régime républicain.
A-Des conceptions différentes de la République
La République cherche à rallier toute la population et elle veut avoir le soutien du monde
paysan, majoritairement conservateur.
Elle veut effacer l'image de la République associée aux
troubles révolutionnaires et à la Terreur.
Mais la République doit aussi répondre aux aspirations sociales des ouvriers, influencés par
les idées socialistes (= partage des richesses, lutte contre les inégalités sociales,
amélioration des conditions de vie et de travail des ouvriers et des plus pauvres).
Elle fait
voter des lois sociales (limitation du travail des enfants, des femmes, autorisation des syndicats,
etc.) tout en réprimant violemment certaines grèves ouvrières dans les usines.
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B-L'antiparlementarisme
Les menaces les plus importantes viennent de la droite antiparlementaire.
En effet, au milieu
des années 1880, la République est confrontée à un fort mécontentement social lié à la crise
économique.
Des groupes se constituent et affichent des idéaux opposés aux valeurs
républicaines (antisémitisme, xénophobie, rejet du parlementarisme, besoin d'un exécutif
autoritaire).
La Ligue des patriotes, fondée par Paul Déroulède, regroupe des monarchistes
et des antiparlementaires.
Les idées qu'elle véhicule sont la xénophobie, l'antisémitisme, le
militarisme et un patriotisme exacerbé.
Plusieurs crises viennent remettre en question la République, comme la crise boulangiste entre
1888 et 1889 :
•
•
•
Boulanger est un général qui développe un discours antiparlementaire très virulent.
Il
critique le système et fédère tous ceux qui s'y opposent.
Il regroupe ceux qui sont
partisans d'une revanche contre l'Allemagne, les nationalistes de droite, certains anciens
communards, etc.
Ces militants sont de plus en plus nombreux et Boulanger semble menacer un temps la
République.
Accusé de conspiration monarchique, il échoue et se réfugie en Belgique avant de se
suicider.
C-Mais c'est l'affaire Dreyfus (1894–1906) qui divise le plus les Français et
dévoile au grand jour les sentiments antisémites d'une partie de la population
française
Elle se développe alors que les anciens boulangistes et opposants à la République libérale,
comme l’écrivain Maurice Barrès, se rassemblent dans les années 1890 autour du
nationalisme : pour ces hommes d’extrême droite, la nation se définit de manière
biologique comme un rassemblement des Français contre les étrangers et les juifs.
Ils
s’opposent au patriotisme républicain, fondé sur une définition politique de la nation comme
rassemblement de citoyens.
La force de ce nouveau courant politique se manifeste dans l’affaire Dreyfus :
5
-
Le capitaine Dreyfus est un officier français de confession juive accusé à tort
de trahison (d’espionnage) au profit de l'Allemagne.
En 1894, il est soupçonné
d'avoir communiqué des informations militaires secrètes à l'ambassade de
l'Empire allemand à Paris.
Dreyfus est innocent et le clame.
-
Un procès est instruit contre Dreyfus.
Ce procès est entaché de nombreuses
irrégularités : l'accusé n'a pas accès à son dossier, de nombreuses fausses
preuves existent et le procès se tient à huis clos, c'est-à-dire sans la présence du
public.
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Dreyfus est condamné à la dégradation militaire et à la déportation perpétuelle
au bagne en Guyane vers lequel il est transféré en 1895.
-
En 1896, le colonel Picquart découvre l'existence de fausses preuves, ainsi que
la culpabilité d'un autre officier, Esterhazy, dans la divulgation des informations
secrètes à l'Allemagne.
Picquart s'exprime publiquement sur l'innocence de
Dreyfus et est muté en Afrique du Nord en punition.
La presse prend parti dans l'affaire et l'opinion se divise autour de la question :
•
La majorité des journaux soutiennent la culpabilité de Dreyfus, tel que la Croix.
Ce sont
les antidreyfusards.
•
D'autres journaux affirment l'innocence de Dreyfus, ce sont les dreyfusards.
Le 13
janvier 1898, Zola publie dans le journal L'Aurore un article intitulé "J'accuse" qui est
édité à plus de 200 000 exemplaires et défend l'innocence de Dreyfus.
Il dénonce une
machination pour sauver l'état-major français et condamner un bouc émissaire juif
innocent : Dreyfus.
•
L'opinion publique est aussi traversée par cette division entre les dreyfusards et les
anti-dreyfusards.
La question est la suivante : la raison d'État et l'honneur de l'armée
doivent-ils l'emporter sur le destin d'un homme et sur la justice ? Cette affaire devient
donc une affaire politique qui passionne et divise les Français : les uns veulent
sauvegarder avant tout le prestige de l'armée, les autres mettent en avant le respect des
droits de l'homme et les valeurs républicaines.
Les conséquences de l'affaire sont multiples : Dreyfus est jugé à nouveau en 1899 et
condamné avec "circonstances atténuantes", puis gracié par le président de la République.
Il est
finalement innocenté, réhabilité et réintégré dans l'armée en 1906.
La manière dont la
presse et l'opinion publique se sont emparées de cette affaire ont d’autres conséquences :
•
La société française s'est interrogée sur les valeurs de la République.
Certains ont
défendu la raison d'Etat, la défense de l'armée et la légalité républicaine, alors que
d’autres ont mis en avant le respect des Droits de l'Homme et de la justice, autrement
dit l'idéal républicain qui défend l'innocence.
Cela a permis de souder la gauche
française autour de ces valeurs : en effet, Jean Jaurès, en s’engageant en faveur de
Dreyfus, a rapproché la gauche de la république parlementaire.
•
Cette affaire correspond également à l'affirmation du rôle de l'opinion publique qui
traduit la démocratisation de la vie politique française.
•
L'affaire a enfin révélé l'antisémitisme latent de la société française.
Une partie de la
population et de la presse a en effet décidé que Dreyfus était coupable simplement car
il était juif.
Cet antisémitisme se nourrit de tous les préjugés qui circulent contre les
Juifs.
Il est particulièrement fort en France à la fin du XIXe siècle et se structurent
politiquement dans des ligues : ce sont des mvts politiques privilégiant l’action dans
la rue, souvent violente ; ce ne sont surtout pas des partis politiques qui, eux, se
structurent dans l’action parlementaire.
Ainsi, Dreyfus, parce qu'il est juif, est le
comploteur....
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