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I.I.3.*** Chapitre 6. GEOPOLITIQUE DES CONFLITS DE 1945 AU DEBUT DES ANNEES 1990.

Publié le 07/11/2023

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« I.I.3.*** Chapitre 6.

GEOPOLITIQUE DES CONFLITS DE 1945 AU DEBUT DES ANNEES 1990. Géopolitique des conflits : cette formulation pourrait paraitre redondante à certains géopoliticiens pour qui la géopolitique est par définition l’étude des conflits territoriaux, à l’instar de Barbara Loyer, actuelle directrice de la revue Hérodote et du Master de géopolitique de Paris VIII, donc à la tête de l’école française de géopolitique animée en son temps par Yves Lacoste .

Dans Géopolitique, méthodes et concepts, Armand Colin, 2019, elle définit en effet la géopolitique comme « un mode de raisonnement pour comprendre et expliquer des événements conflictuels qui se déroulent quelque part. L’objet de l’étude est le conflit, la rivalité (ou la construction du consensus pour éviter le conflit.

») Nous ne sommes pas loin de la définition officielle de la géopolitique dans le programme d’ECG, « étudier les rivalités de pouvoir et d’influences qui s’exercent sur les territoires à toutes les échelles », plaçant le conflit comme terme possible d’une rivalité. Le mot « conflit » vient du latin « conflictus » qui signifie choc.

Ce substantif « conflictus » provient lui-même du verbe latin « confligere » qui veut dire s’entrechoquer.

Le conflit peut surgir en effet lorsque deux groupes ou acteurs sociaux sont en compétition ou rivalité.

Le conflit résulte donc d’une rivalité ou compétition autour d’un espace ou d’un objet, que chacun revendique comme sien, la satisfaction simultanée des deux revendications étant impossible.

Le conflit est donc le heurt de deux volontés contradictoires car visant le même objet, dit autrement l’opposition ouverte de deux projets rivaux.

Causé par une rivalité, précédé par une tension, le conflit est une situation ou relation, qui peut par moments aboutir à la violence dont la guerre .

Cette dernière est une grande violence armée, collective et organisée . Le conflit c’est donc le heurt des volontés rivales , éclatant suite à une tension, pouvant aller jusqu’au heurt armé massif qu’est la guerre.

C’est pourquoi dans l’usage courant, la guerre, forme extrême du conflit, tend à se confondre avec le conflit, dans un raccourci comme « le conflit mondial » au lieu de « la guerre mondiale de 1939-1945 ».

Cependant Frank TETARD, dans Géographie des Conflits (2011) , rappelait que si toute guerre est un conflit géopolitique , tout conflit géopolitique n’est pas une guerre.

Le conflit géopolitique englobe la guerre, et d’autres conflits géopolitiques externes et internes (conflits diplomatiques , conflits douaniers, litiges territoriaux, conflits d’aménagement d’un littoral , conflits d’usages de l’eau, etc… ).

Dans Géopolitique des conflits (2016) Amaël CATARUZZA et Pierre SINTES, adoptent aussi cette définition large des conflits, "de la lutte contre le terrorisme aux conflits d'aménagement, des guerres urbaines à la cybersécurité, des murs-frontières aux conflits sociaux »).

Béatrice GIBLIN, qui précéda Barbara Loyer à la direction de la revue Hérodote, concorde, dans Les conflits dans le monde (2016).“ Si la guerre procède toujours d'un conflit, tous les conflits ne dégénèrent pas forcément en guerre.

» Les conflits étant multi-factoriels, multiactoriels, multiscalaires, la guerre froide et la décolonisation en sont deux des multiples facteurs ambivalents (multiplicateurs-diviseurs, amplificateurs-réducteurs, moteurs-freins, belligènes-pacificateurs ) de certains conflits, en combinaison avec d’autres facteurs ambivalents (les conflits et convergences d’intérêts dans la mondialisation, le (sous-mal-sur) développement, les rivalités et coopérations étatiques régionales pour les territoires ou les matières premières , les antagonismes internes aux Etats ).

Par exemple la guerre froide a presque fait disparaitre le vieux conflit séculaire France-Allemagne (1870-1945) mais a au contraire aggravé le conflit colonial en Indochine en 1949-1979.

La décolonisation de la Palestine britannique a mis fin au conflit armé entre terroristes sionistes et troupes Britanniques (1937-1947) mais aggravé le conflit entre sionistes et Palestiniens.

Dire qu’un conflit est un conflit de guerre froide, c’est estimer que la guerre froide est son principal facteur, pas le seul, comme dans l’engagement militaire américain direct au Vietnam à partir de 1962.

Idem pour un conflit de décolonisation comme la guerre d’Algérie en 1954-1962 : c’est aussi secondairement un conflit de guerre froide (appui de l’OTAN à la France, de l’URSS au FLN), une guerre des cultures entre islamistes et laïcs , une révolution agraire, une guerre civile entre Arabes et Kabyles remontant à la conquête arabe du VII siècle , un conflit entre jeune génération d’anciens combattants de la deuxième guerre mondiale et notables arabes. La guerre elle-même peut s’analyser selon ses acteurs, et donc ses formes.

La guerre tout court, ou la guerre par excellence, dite aussi guerre symétrique ou guerre traditionnelle, oppose les armées de deux ou plusieurs Etats, en uniforme, sur un champ de bataille identifié, le reste du territoire et les civils jouant un rôle marginal.

Dans la formule attribuée à français Paul Valéry, diplomate-poète pacifiste de l’entre-deux-guerres, cette guerre traditionnelle symétrique entre Etats était caricaturée comme « un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas » .

Un autre type de guerre, dit asymétrique, fait intervenir des acteurs non étatiques : guerre civile entre deux camps politiques donnant naissance à deux Etats (ex : Espagne 1936-1939) , guerre de contre-guérilla entre une insurrection armée et un Etat (Espagne, 1808-1814, entre armées françaises d’occupation et la « guerilla » patriotique espagnole). Si le conflit peut s’aggraver jusqu’à la guerre, tentative de trancher brutalement le conflit dans une escalade militaire, le conflit peut aussi s’apaiser, puis se régler pacifiquement par le compromis, donc la paix.

Dans ce sens large, distinct de la guerre, le conflit n’est pas forcément négatif, destructeur, pathologique ; mais peut constituer une opposition constructive des acteurs, s’ils parviennent à réguler leurs conflits pour ne pas aboutir à une escalade guerrière.

Ainsi entre EU et URSS la « guerre froide » est un conflit, émanant de rivalités géopolitiques et idéologiques, utilisant là la guerre (ex : Vietnam 1962-1975), ici la diplomatie (ex : OTAN, 1949 vs Pacte de Varsovie 1955), voire la coopétition (mission spatiale Soyouz-Apollo en 1975 mettant en scène le condominium spatial EU-URSS).

De même la décolonisation, qui résulte d’un conflit entre peuple colonisé et métropole sur la souveraineté du territoire colonisé, peut aboutir à des guerres (1954-1962 en Algérie) mais aussi à des accords évitant la guerre (Afrique occidentale française en 1958-1960). Pour reprendre une définition de la discipline géopolitique par Yves Lacoste en 1980 comme « étude des conflits territorialisés » , un conflit géopolitique est donc « l’expression d’une rivalité sur un territoire », rivalité fondée sur des représentations de soi et des autres au sujet de ce territoire. Ainsi en 2009 Frédéric ENCEL a montré comment le conflit israélo-palestinien repose sur une asymétrie catégorielle des représentations croisées des Juifs israéliens et des Arabes palestiniens . « Les premiers se représentent les seconds comme Arabes avant tout- lesquels pourraient donc parfaitement vivre ailleurs qu’en Palestine, sur ces millions de km2 du monde arabe-, les seconds se représentent les Juifs comme membres d’une religion et non d’un peuple-, ce qui implique une ségrégation religieuse et une illégitimité ontologique de l’État d’Israël.

» Dans ce chapitre il s’agira de conflits géopolitiques au sens très étroit de rivalités portant sur la souveraineté politique de territoires et aboutissant à des guerres.

Ces conflits reposent sur des litiges, qui sont les objets du conflit : des contestations du statut du territoire par plusieurs acteurs rivaux, par exemple les deux revendications de la Palestine comme territoire national exclusif par les juifs sionistes et les nationalistes palestiniens.

Ces conflits prennent par instants des formes aigues de guerre.

Ainsi le conflit israélo-palestinien remonte aux années 1900 (premières installations de colonies juives sionistes en Palestine) et alimente plusieurs guerres interétatiques (1948, 1956, 1967, 1973).

Ce sont ces guerres que nous étudierons particulièrement.

Notre sujet sera donc la conflictualité ou ensemble des conflits armés. Nous avons déjà étudié en chapitre 4 et 5 les conflits issus de la guerre froide et de la décolonisation, particulièrement intenses en 1947-1962 .

A ces deux facteurs de la conflictualité s’articulent des facteurs locaux : oppositions religieuses et ethniques, conflits pour les ressources, rivalités dans la gestion de l’État.

Particulièrement dans les années 1970-1980 les conflits militaires locaux Sud-Sud semblent échapper à la logique des blocs comme à l’affrontement Nord-Sud, surtout au Proche et Moyen-Orient, Problématique.

Si l’on oppose grossièrement 1913-1945 à 1945-1990 on aboutirait au contraste une prédominance des conflits symétriques mondiaux de 1913 à 1945, puis à la prévalence de conflits asymétriques régionaux depuis 1990 .

Or le monde de 1945-1990 est de plus en plus mondialisé. Comment alors expliquer qu’en 1945-1990 les combats (opérations militaires ) restent localisés, sans une mondialisation comparable à celle constatée en 1911-1917 (des Balkans à EU) ou 1931-1945 (de la Mandchourie à URSS) ? I.Une tentative de mesure des conflits militaires : la diminution des morts signifie-t-elle la baisse de leur gravité ? A. Si nous nous en tenons au nombre de morts violentes des guerres , la conflictualité diminuerait. De 1900 à 1950 les conflits militaires tuent directement un homme sur 20.

La proportion de ces.... »

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