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RIVAROL (1753-1801) S»B L’UNIVERSALITÉ BE LA LANCEE FRANÇAISE

Publié le 29/08/2022

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« RIVAROL (1753-1801) S»B L’UNIVERSALITÉ BE LA LANCEE FRANÇAISE Notice biographique. De l’Universalité de la langue française.

— Historique.

— Analyse de l ’Universalité.

— Etude littéraire : les idées de Rivarol sur la langue française.

— L’écrivain. Notice biographique (1).

— Dans une virulente satire Marie-Joseph Chénier faisait parler en ces termes un publiciste qui lui avait décoché bien des épigrammes mordantes : C’est dans Bagnols que j ’ai vu la lumière, Au cabaret où feu mon pauvre père A juste prix faisait noce et festin.. Celui dont « le frère d’Abel Chénier » raillait si cruellement les basses origines était Antoine Roch Rivarol, le futur « comte », un des plus spirituels auteurs du xvm® siècle (2). Il était né à Bagnols, près d’Uzès, dans le Languedoc, le 26 juin 1753.

Son père, le petit-fils de Jean Rivaroli, officier du duc de MantoUe qui s’était fixé à Nîmes en 1717, avait, pour faire vivre sa famille de seize enfants, exercé le métier de « fabricant de soie », tenu l’hôtellerie des Trois Pigeons, et, finalement, était devenu, en 1763, « receveur des droits réunis », c’est-à-dire collecteur d’impôts.

Assez lettré et même poète à ses heures, cet aubergiste avait fait donner une bonne éducation à ses enfants (3). (1) Consulter sur Rivarol : L’Esprit de Rivarol (1808) ; Vies de Rivarol par Cubières- Palmezeaux (1803), Sulpice de la Platière (1808) et par sa veuve en l’an X; Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, tome V; L.

Curnier, Rivarol (1858); OEuvres choisies chez Delahaye (1857); De Lescure, Rivarol, sa vie, ses ouvrages (1862) et Rivarol et la Société française pendant la Révolution et l’Empire (1883) ; A.

Le Breton : Rivarol (thèse de Doctorat) 1895.

— Rivarol : OEuvres choisies (Jouaust). (2) Rivarol appelait Marie-Joseph « le frère d’Abel Chénier », l’accusant ainsi d’avoir, par jalousie, contribué à faire monter le grand poète sur l'échafaud.

C'est une infâme calomnie. (3) Jean Rivarol naquit à Nîmes en 1727.

Il était fils d’Antoine Roch et de Jeanne Bonnet, fille d’un tailleur.

Il mourut en 1807.

C'est donc à tort que, dans sa satire, Marie-Joseph Chénier écrivit : « feu mon père ». RIVAROL DB L'Ul'IIWER!H.Ll!.TÉ DE L,\.

LANGUE FR,U\IÇU8E Notice biographique. DE L'UNIVERSALITÉ DE LA LANGUil FRANÇAISE.

- llisto,.rique.

- Analyse de ,!'Universalité.

- Et.ude Jiltérairo : les i,dées die füva,rol sur U,a ~.a,ogue irançaise.

- L'éorivain. Notice biographique (1).

- Dans une virulente satire Marie-Joseph Chénier faisait parler en ces termes un publiciste qui lui avait décoché bien des épigrammes mordantes: C'est dans Bagnols que j'ai vu la lumière, Au caba·ret où feu mon pau,,re père A juste prix faisait noce et fet;lin. Celui dont « le frère d'Abel Chénier» raillait si cruellement les basses origines était Antoine Roch Rivarol, le futur « comte », un des plus spirituels auteurs du xvm• siècle (2). Il était né à Bagnols, près d'Uzès, dans le Languedoc, le 26 juin 1753.

Son père, le petit-fils de Jean Rivaroli, officier du duc de Mantoue qui s'était fixé à Nîmes en f 717, avait, pour faire vivre sa famille de seize enfants, exercé le métier de « fabricant de soie », tenu l'hôtellerie des Trois Pigeons, et, finalement, était devenu, en !763, « receveur des droits réunis» , c'est-à-dire collecteur d'impôts.

Assez lettré et même poète à ses heures, cet aubergiste avait fait donner une bonne éducation à ses enfants (3). (l) Consulter 11Ur Rivarol : L'E,prit de Rivarol (1808); Yie& de Rivarol par Cubières- Palmeieaux (1803), Sulpice de la Platière (1808) et pilr sa veuve en l'an X; Sainte-Beuve.

Cau.series du Lundi, tome V i L.

Curnier, niuarol (t 858); OEuvre.s choisies chez.

Delahaye (1857); De Lescure, Rivarol.

1a vie, us ouvrages (1862) et Rivarol et la So ciété française pendant la Révolution et l'Empire (1883); A.

Le Breton: Rrnarol (thèse de Doctoral) t8!)5.

- Rivaro1 : OE«vres choisies (Jouaust). (~) Rivarol appelait ltlarie•Joseph c le frôro d'Abel Chénier •• :'accusant ainsi d'avoir, par jalousie, contribué à faire monter le grand poe te sur l'échafaud.

C'est une infâme calomnie. (3) Jean Rivarol naquit à Ntmes en {727.

Il était fils d'Antoine Roch el de Jeanne Bonnet, fille d'un tailleur.

Il mourut en 1807.

C'est dooc à tort que1 dao9 aa ■atire, Marie-Jo ■ epb Chénier écrivit: c feu mon père •· 712 AUTEURS FRANÇAIS. Son fils Antoine, élève tout d’abord chez les Joséphites de Bagnols et ensuite chez les Sulpiciens à Bourg-Saint-Adéol, après avoir songé à l’état ecclésiastique, jette la soutane aux orties avant d’avoir prononcé ses voeux et, dans l’automne de 1777, prend la diligence pour Paris où il va tenter^la fortune littéraire.

Plein dejaconde et très intrigant, il sc glisse dans l’intimité de Dorât;'de Buffon, de Diderot, et sous le titre de Chevalier de Parcieux, il s’insinue dans la société mondaine, où par son esprit méchant et son rare talent de causeur il devientvite un coq de salons.

C’est alors qu’obligé de renoncer au nom de chevalier de Parcieux, sur sommation du légitime propriétaire, il s’affuble d’un titre plus sonore et s’intitule, sans vergogne, « Monsieur le comte de Rivarol ».

C’est à cette époque également qu’il épouse, en 1779, Miss Mather Flint (1), une pédante, avec laquelle il fit très mauvais ménage et divorça finalement, le 12 Brumaire de l’an III. Cependant la notoriété lui était venue, en 1784, avec sa traduction de VEnfer du Dante et avec son discours De rUniversalité de la langue française; et aussi à cause du scandale que provoquaient ses pamphlets, dont le plus célèbre est le Petit Almanach des grands hommes pour l’année 4788.

Sa verve endiablée lui acquiert une vogue considérable, mais suscite également contre lui une meute acharnée d’ennemis qui raillent ses prétentions nobiliaires et posent à notre aventurier, dépourvu de toute fortune mais vivant au milieu du luxe, cette question redoutable : « D’où vient l’argent? » 1 Mais brusquement la Révolution éclate.

Rivarol, qui est, au fond, un conservateur libéral, se range cependant du côté de la Monarchie et se jette à corps perdu dans la bataille des journaux.

Il collabore aux Actes des apôtres ; il déverse sa bile dans le Dictionnaire des grands hommes de la Révolution, et il rédige d’une façon malheureusement intermittente le fameux Journal politique national, son oeuvre la plus forte et la plus vivante. Mais que peuvent contre les piques des massacreurs les épigrammes les mieux aiguisées.

Rivarol prend le parti d’émigrer et s’enfuit à Bruxelles en compagnie d’une aventurière, 'le 10 juin 1792.

Et désormais ce sera l’exil, où il continuera (I) Elle était d’une famille écossaise, qui s’était réfugiée en France lors de la chute du roi Jacques II.

Née en 1750, elle mourut on 1821 après avoir publié nombre d’ouvrages de politique et de morale.

— Rivarol en eut un fils, Raphaël, né en 1780, qui vécut très peu auprès de son père, fut en i8°0 officier à Copenhague et servit ’ dans l’armée russe.

Il mourut là-bas en 1812. d'abord BJgnols l'état soulane d'avoir l'automne 1.777, · tenter, deJaconde S( e;lisse l'intimité Dorat",.'s'insinue devient vite suions.

C'est qu'obligé s'affuble d'un s'intitule, « "· C'est qu'il i), nrumaire l'an i784, !'Enfer l'Universalité provoqJiaient l'année 17 88.

d'ennemis redoutable: « D'où l'argent? » ' II apôtres; d'une llon et.

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s'enfuit d'une l'exil, 1) 6ta.it ù'unc ramille écosMise, s'était Fl'ance Ia dn IL NCe 17!.iO, aprê ■ avoir- pulJJiO nomtre d'ouvr11ges poliliquei - ms, \ 780, ~on ~n l80(} orocier â 'dan ■ l'armée ruue.

U lâ-ba» 1811. RIVAROL.

713 à manier fépigramme et se fera reprocher vertement par Chateaubriand de se borner à cette arme-là (1).

On le verra errer en Belgique, en Hollande, en Angleterre, à Hambourg où il se fixera pendant le printemps de 1800.

Mais, incapable de vivre hors de la société mondaine, il partira pour Berlin, vers la fin de cette même année.

Il y brillera dans les cercles officiels et dans le salon de la princesse Dolgorouka.

Ces succès seront la dernière joie de Rivarol; car, après une maladie de six jours, il sera emporté par une fluxion de poitrine, le samedi 11 avril 1801. Quel étrange homme, en vérité ! Merveilleusement doué, plein de finesse et de verve, se servant avec une maîtrise incomparable de notre langue qu’il adorait et qu’il possédait à fond, il pouvait prendre place parmi nos tout premiers écrivains.

Mais c’était un fat, un faiseur, un personnage de moralité douteuse, qui mena l’existence déréglée d’un gentilhomme qu’il n’était pas ; qui prit la vie de salons pour la vie ; qui se désespéra plus tard, lors de la tourmente révolutionnaire de ne pas être considéré comme sérieux, parce qu’il avait trop abusé de l’esprit.

Et, pour avoir uniquement recherché le renom d’un brillant causeur, il est passé à côté de la vraie gloire (2). DE L’UNIVERSALITE DE LA LANGUE FRANÇAISE (i?8â) H isto riq u e.

— En 1783, Rivarol était déjà fort connu. Cependant quelques articles anonymes dans le Mercure, une lettre sur les Jardins de l’abbé Delille et quelques opuscules sans grande valeur composaient son mince bagage.

Sa réputation, ilia devait tout entière aux « rosseries » qu’il débitait dans les cafés, les réunions mon- (1) A Bruxelles, Chateaubriand rencontra Rivarol.

Celui-ci lui demanda où il allait. « Où l’on se bat * répondit brusquement le futur auteur du Génie. (2) Voici les titres de quelques-uns de ses autres ouvrages : Lettre sur le poème des Jardins (1782) ; L'Enfer du Dante, traduction (1785) ; Lettres à M.

Necker sur b s opinions religieuses, sur la morale (1788) ; Le Petit Almanach des grands hommes (1787); Journal politique national (12 juillet 1789 à novembre 1790); Petit Dictionnaire des grands hommes de la Révolution (août 1790) ; Lettres et mémoires a M.

de La Porte (1791) ; Discours préliminaire du nouveau Dictionnaire de la Langue française ( 1797). JDevrault.

— Auteurs français. m:rnier l'épigramme t).

llollande, dt, li füvarol; i~ H vérité! qu'il qu'il c'était l'existence d'un qu'il n'était pas; vie; qu'il l'esprit.

d'un L'UN I VERSALITÈ li\ 1784) Historique.

- füvarol l'abbé el il la "qu'il t) ail 1.it. • l'on 11e ,.

Gdnie. i) aulre1 ouvragea potme de, Jardina L'En(er
1791); Di.lcowr, prdliminaire nouueau Lau9ue (r1Jnça11• Uvrault.

- 411 714 daines, les cercles littéraires.

Mais, alors, pour confondre les médisants qui le déclaraient incapable de s’élever au-dessus d’un talent si frivole, il entreprit de se faire connaître sous un meilleur jour et de se révéler au grand public, comme jadis J.-J.

Rousseau avec le Discours sur les sciences et les arts. L’Académie de Berlin lui en fournissait l’occasion. Elle avait, sans doute pour obéir à un désir formel de Frédéric II, décidé de mettre au concours les questions suivantes : « Qu’est-ce qui a rendu la langue française universelle? — Pourquoi mérite-t-elle cette prérogative? — Est-il à présumer quelle la conserve ? » Un prix devait récompenser l’auteur du meilleur mémoire.

Rivarol aimait et connaissait bien la langue française : surmontant son ordinaire paresse, il concourut. Le 6 mai 1784, l’Académie prononçait à huis clos son jugement et il fut proclamé en séance publique, le 3 juin suivant.

Elle couronnait l’oeuvre de Rivarol, mais partageait le prix entre le « comte » et certain Jean-Christophe Schwab, professeur de philosophie à l’Académie Caroline de Stuttgart (1).

Les questions proposées, le fait qu’une académie prussienne avait classé en première ligne le mémoire écrit par un Français, les félicitations envoyées à Rivarol par Frédéric lui-même, tout cela provoqua en Europe et principalement en France une sensation très profonde. Bufïbn, qu’il avait copieusement loué,riposteparde chaleureux éloges ; l’Académie de Berlin le reçoit parmi ses membres et décide de placer son buste dans la salle de ses séances; enfin, au mois de septembre 1784, Grimm, dans sa Correspondance littéraire, donne une analyse importante de V Universalité de la langue française, qui vient de paraître en librairie et qui porte comme épigraphe un hexamètre de Virgile, modifié pour la circonstance : « Tu regere eloquio, o Galle, memento ! » Tout en blâmant des négligences ou des hardiesses de style, Grimm écrivait : (1) Jean-Christophe Schwab (1743-1821) devint conseiller aulique, secret ■'ire du duc de W urtem berg, conseiller royal de l'instruction publique.

Son énorm e volume (traduit en 1803 par Robelot) était plein d ’érudition.

11 concluait que l’Allemagne serait une grande puissance politique, que l’anglais serait la langue coloniale, que U français dem eurerait la langue dé V Europe. s'élever d'un L'Académie l'occasion. suivantes:<< Qu'est-- r:ette - présume1· qu'elle conserve? l'auteur mémoire_ française: f 784, l'Académie l'oeuvre » l'Académie qu'une Buffon, qu'il loué, riposte par de l'Académie !784, !'porle épigraph':l circonstance: « blàmant écrivait: l) 17-4-3-tS~t) rlf"vin t.

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IADtJUl'I d~ l'~urope. RIVAROL.

715 Ce ne sont pas ici des lieux comm uns de rhétorique ou de philosophie, c ’est une question intéressante discutée avec beaucoup de raison et de sagacité ; depuis longtemps nous n ’avons .rien lu qui nous ait paru plus digne d ’être rem arqué.

A quelques idée®, à quelques tournures près que l ’am bition de paraître neuf et o riginal a pu seule faire hasarder à l ’auteur, nous connaissons peu d ’ouvrages de ce genre tout à la fois plus finem ent pensés, plus ingénieusem ent écrits (i). Qu’importent désormais à Rivarol les attaques, du chevalier de Sauseuil, les articles pleins de fiel que Garat signe contre le Discours dans le Mercure, et les épigrammes où quelques-unes de ses victimes lui reprochent « d’avoir pillé Condillac et Buffon » (2k On commence à le juger un écrivain de valeur : l’accueil fait à sa traduction du Dante en témoigne (3) ; on lui prédit un glorieux avenir ; et nous n’en serons pas étonnés en parcourant ce Discours, qui était si gros de promesses. Analyse de « l’Universalité» (4).

— « Une telle question proposée sur la langue latine aurait flatté l’orgueil des Romains, dit Rivarol en commençant, et leur histoire l’eût consacrée comme une de ses plus belles époques.

» L’heure est venue de dire « le monde français » comme on disait le monde romain », et c’est le triomphe de la philosophie que de voir se former une société des nations, non « .sous l’empire des armes », mais sous « la domination d’une même langue ». Les origines du français.

— Cette langue c’est notre idiome national dont « l’universalité est si hautement avouée en Europe ».

Bien des choses ont contribué à sa supériorité : la position de la France, sa constitution politique, l’influence de son climat, le génie de ses e'crivains, le caractère de ses habitants, c’est-à-dire des facteurs physiques et moraux. Rivarol, recherchant ensuite les origines de cette langue, montre qu’elle fut un mélange du celte, dont se servaient les (1) Grimm, Correspondance littéraire, philosophique et critique adressée à un souverain d’Allemagne, feuille de septem bre 1784. (2) Le chevalier de Sauseuil venait de term iner une Anatomie de la langue fr a n çaise en 8 volum es.

Dans le Prospectus, par lequel il annonça son oe uvre en octobre 1784, il critiquait vivem ent Rivarol.

— Grimm : Correspondance, juillet 1785; le Mercure, 6 et 13 août 1785. (3) Grimm, Correspondance littéraire, juillet 1785. (4) Comme il y a peu d ’ordre dans le discours sur l’Universalité, nous avons jugé nécessaire d ’en donner une assez copieuse analyse. Ce ne sont pas ici des lieux communs de rhét.orique ou de philosophie, c'est une question intéressante discutée avec be-aucoup de raison et de sa{l'acilé ; depui" lon.gt.emps nous n'avon~ rien 1-u qui nous .ail paru plus digne d'être rema,rqué.

A quolq,ues idéea, à quelques tournu,rcs près que l'.ambilion de pa-ratLre neuf el origina, l a pu sou,le faire hasarder à •l'auteur, nous connaissons peu d'ouvra,:es de co gen.re tout à la fois plus finement pensés, plus ingénieusement écrits (1). Qu'imporlent désormais à Rivarol les attaques..

du chevalier de Sauseuil, les articles pleins de fiel que Garat signe contre le Discours dans le Mercure, et les épigrammes où quelques-unes de ses victimes lui reprochent « d'avoir pillé Condillac et Buffon» (2).

On commence à le juger un écrivain de valeur: l'accueil fait à sa traduction ùu Dante en témoigne (3); on lui prédit un glorieux avenir; et nous n'en serons pas étonnés en parcourant ce Discours, qui élail si gros de promesses. Analyse de c l'Universalité, 4-).

- « Une telle question proposée sur la langue latine aurait flatté l'orgueil des Romains, dit llivarol en commençant, et leur histoire l'eùt consacrée comme une de ses plus belles époques.

» L'heu,:e est venue de dire " le monde français » comme on disait ., le monde romain », et c'est le triomphe de la philosophid que de voir se former une société des nations, non « r,ous l'empire des armes», mais sous « la domination d'une • .nême langue "· LES ORIGINKS DU FRANÇAIS.

- Cette ]ang1•ie c'est notre idiome national dont « l'universalité est si h,,utement avouée en Europe "· Bien des choses ont contrib aé à sa supériorité : la position de la France, sa constitution politique, l'influence de son climat, le génie de ses écrivains, le caractère de ses habitants, c'est-à-dire des facteurs physiques et moraux. Rivarol, recherchant ensuite les origines de cette langue, montre qu'elle fut un mélange du celte, dont se servaient les (t) Grimm, Corre1ponacince Wteraire, philo,ophi.que et entaque adreuèe à un 1ouveruin d'AUerm,gne, reuille de i.eptembre t784. (If) Le chevalier de Sauseuil venait de lermlner une Anatomie dt la l11ngue françai, e en 8 volumes.

Dans le Pro,pectu., par lequel il annonça IOD oeuvre en octobre t 7~4.

il critiquait vivement Rivarol.

- Grimm : Corre1poudance1 juillet 1785 i le lfrrcure, 6 el t3 aoùt t 785. (3) Grimm, Cor-re,pondauct litthaire, juillet 1785. (4) Comme H y a peu d'ordre dana le diacoun 1ur l'Univer10Ht4.

noua avon■ jua• DéceHaire d'en donner une a11e% copieuse aoal;yH. 716 AUTEURS FRANÇAIS. Gaulois, et du latin et du franc que parlèrent les conquérants. Il y eut action et réaction réciproques ; des « patois » et des dialectes en résultèrent; au-dessus du plateau central, fleurit avec les « trouveurs » le « picard » (que nous appelons, nous, la langue â’oil) et, au-dessous, s’épanouit le provençal » (c’est-à-dire la langue d’ocj, grâce auquel les troubadours écrivirent « des romans de chevalerie et de petits poèmes aussi intéressants que ceux des trouveurs ».

Mais l’influence politique fait triompher le picard, clair et méthodique, à la prononciation « un peu sourde » et qui est parlé dans les provinces où s’élève la capitale du royaume.

La triple opposition de l’Eglise, de l’Université et des Parlements, qui s’obstinent à lui préférer le latin, empêche qu’on lui accorde dès lors, « les honneurs dus à une langue légitime ».

Heureusement voici la Renaissance, l’invention de l’imprimerie, la découverte de l’Amérique.

Le développement inouï du commerce et celui des échanges intellectuels obligent les Européens « à se décider sur le choix d’une langue ». Ce ne pouvait être l’allemand.

— Pourquoi l’allemand no fut-il pas choisi ? C’est qu’il n’avait encore produit aucun monument littéraire, et que même sur son territoire il cédait toujours le pas au latin.

Il n’y avait, d’ailleurs, point de chef dans ce vaste empire, et, quand Charles-Quint ceignit la couronne impériale, des considérations dynastiques l’empêchèrent de travailler pour la diffusion de la langue allemande au détriment de l’espagnol.

Puis l’allemand « est une langue mère », et, si les peuples d’Allemagne peuvent, grâce à leur connaissance du latin, apprendre aisément les langues dérivées de lui, un Italien, un Français, un Espagnol n’ont aucun appui solide dan:? leurs efforts pour s’initier à l’allemand, dont la prononciation « gutturale » leur répugne et qu’il faut étudier dans des livres imprimés en caractères « gothiques » qui les déroutent.

Du reste, malgré les indices d’une renaissance littéraire en Allemagne, Rivarol estime que l’état politique de ce pays nuira peut-être toujours à l’universalité de sa langue. Ce qui nuisit a l’espagnol.

— Des motifs politiques semblaient, en revanche, favoriser l’espagnol.

« Toute brillante de l’or de l’Amérique », l’Espagne de Charles-Quint et de Philippe II, maîtresse d’une partie de l’Europe et rendue plus forte par nos discordes civiles, avait beau jeu contre nous. Mais sa puissance s’écroula vite sous les coups de Richelieù et de Louis XIV, et, malgré le génie de Cervantès et celui de li réciproques; " ,.

« le" ,l'oil) s'épanouit ·• c'est-d'oc), gràce lei, »l'influence s'élève l'Eglise, l'Université s'obstinent Je qu'on " l'invention l'imprimerie, l'Amérique.

d'une C11 NE POUVAIT ÊTIIR L'ALLEMAND.

- l'allemand ne choisi? C'est qu'il n'avait cédai! n'y d'ailleurs, l'empêchèrent l'espagnol.

l'allemand mèra ", d'Allemagne aisém,mt n'ont dam~ s'initier l'allemand, qu'il gothiques" d'une l'état l'universalité CR QUI NUISIT A L'ESPAGNOL.

- Des, l'espagnol.

l'or ùe l'Amérique l'Espagne d'une ùe l'Europe s'écroula Richelieu Lope de Véga, on s’aperçut vite que « la magnificence de la langue espagnole cachait une pauvreté réelle ».

Notons surtout que « la majesté de sa prononciation invite à l’enflure et que la simplicité de la pensée se perd dans la longueur des mots et la plénitude des désinences ».

Charles-Quint la réservait « pour les jours de solennité et pour ses prières ».

Et il semble à Rivarol que ce soit cette emphase même qui Fait exclue dc> Füniversalité. Un rival redoutable : l’italien.

— « Mais comment, se demande-t-il aussitôt, l’Italie n’imposa-t-elle point sa langue à l’Europe? » Elle possédait pourtant la Rome des Césars, continuant d’exercer sur l’univers avec la Rome des Papes la même prédominance qu’autrefois ; et, lors de la prise de Constantinople, tous les lettrés se réfugièrent chez elle.

Elle était aussi la patrie du luxe et, sa marine étant florissante, elle voyait passer entre ses mains le commerce du monde entier.

Elle fut enfin le premier pays où se manifesta le renouveau artistique et littéraire, cette Renaissance avec ses poètes, ses peintres, ses sculpteurs, dont Rivarol se montre enthousiaste.

« Qui pouvait donc, ajoute-t-il alors, arrêter la domination d’une telle langue? » Hélas ! ce fut, tout d’abord, la Papauté par l’usage exclusif du latin.

Puis il y eût la multiplicité des dialectes qui rivalisaient avec le toscan du Dante, c’est-à-dire avec « la langue vulgaire ».

Enfin — sans parler du commerce mondial qui, après les découvertes géographiques, passa aux mains des Espagnols et empêcha ainsi l’italien de conquérir la suprématie — le caractère même de cette langue l’écarta de l’Universalité. La prose italienne « si riche et si flexible », manque de virilité, de naïveté, de vérité ; « elle se traîne avec trop de lenteur ; l’oreille se lasse de sa douceur et la langue de sa mollesse ; la pensée la plus vigoureuse s’y détrempe ».

Or, c’est la prose « qui donne l’empire aune langue, parce qu’elle est tout usuelle » ; et c’est pourquoi, non sans témoigner une admiration filiale à « la plus harmonieuse des langues », le descendant des Rivaroli affirme qu’elle ne pouvait prétendre au sceptre conquis par celle des Français. Ce qu est le génie d’une langue.

— L’auteur s’engage ensuite dans une digression sur l’origine des langues.

Il en voit le germe dans les sensations qui engendrent à leur tour les raisonnements. « L’idée simple, ou sensation, a d’abord nécessité Le signe, et bientôt le signe a fécondé l’idée ; chaque mot a Lope de Véga, on s'aperçut vite que « la magnificence de la langue espagnole cachait une pauvreté réelle ».

Notons surtout que« la majesté de sa prononciation invite à l'enflure et que la simplicité de la pensée se perd clans la longueur des mots et la plénitude des désinences».

Charles-Quint la réservait « pour les jours de solennité et pour ses prières ».

Et il semble à Rivarol que ce soit cette emphase mème qui l'ait exclue d1> !'Universalité. »

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